Où il est question de communication, de difficultés linguistiques, et de l’idée qu’on s’en sort toujours.
Avec le vendeur d’électroménager, à qui il a fallu que j’explique que la machine à laver faisait un bruit très fort et très inquiétant, similaire à celui qu’on entendait lors de son essai et qui lui a alors fait faire la grimace et quelques acrobaties en-dessous de la bestiole. Trente minutes plus tard, ruban adhésif noir et cutter en main, il reprenait ses acrobaties de ras du sol. Trente minutes de plus, et un tuyau verdâtre transparent, sorte d’extension intestinale, courait sur le plancher.
Avec le serveur du joli petit restaurant avec vue sur la rivière à qui il a fallu que tu expliques qu’on ne yomimasait pas un poil de japonais sur son menu écrit au pinceau. Ton vocabulaire gourmand nous permit de déguster des mets et merveilles sous la contrainte improbable de quatre jeunes histrions hurlant de rire, à supposer que l’expression “hurler de rire” puisse convenir pour une telle quantité de décibels suraigus.
Mais il est aussi question de ce petit café typiquement local au bout de cette rue que j’ai arpenté avec délice en attendant l’ouverture tardive de Muji sur Senbon dori, un délice teinté de tristesse puisque la rue est teintée ici ou là d’abandon, de devantures jaunies, de vieilles dames vendant quelques légumes devant un immeuble qu’on imaginerait plutôt (avec nos brouettes de clichés) dans une banlieue européenne. C’est bien sûr une femme qui tient le café, âge avancé, cheveux blancs, porte bleue métallique, deux clients qui entrent juste derrière moi, un homme au fume-cigarette transparent et une mamie qui prendra un toast. Bien sûr le café est extrêmement chaud, cela laisse le temps, sur une carte postale servant de marque-pages, de griffonner la description du lieu : les autocollants dinosaures sur le frigo, les glands décorés, et autre signes probables que les petits-enfants de la dame ne sont jamais loin.