Lundi 31
Les boutons sont dorés et dans mon souvenir du mauvais côté, enfin, quand je dis mauvais je veux dire du côté féminin, vous savez, ces conventions vestimentaires, à gauche pour les uns, à droite pour les autres… Le caban, je l’avais acheté il y a 3 ans, je ne l’avais jamais mis – il faisait sûrement déjà trop chaud – et il était resté quelques mois plus tard au fond de la penderie.
Le côté des boutons, d’après F au téléphone, n’était pas un problème et après tout, les conventions, moi… Sauf qu’une fois le caban enfilé, il fallait se résoudre à l’évidence : les manches étaient beaucoup, beaucoup trop courtes. Qu’importe, je l’emportai.
Et puis enfin ce message : on ferme janvier.
Dimanche 30
Il faut croire que la virée presque nocturne de la veille n’était pas suffisante. Hier La Joconde, les Noces de Cana, le Radeau de la Méduse, la Victoire de Samothrace, un Bacchus, dans l’ambiance douce d’une visite un peu off avec conférencier et musiciens. Ce dimanche l’exposition temporaire “L’Antiquité rêvée” avec une plongée dans le néo-classicisme et néo-baroque du 18ème siècle. Voilà qui fera grincer des dents… ou qui me donnera envie de retrouver mes chardons ?
(Fuck, ma photo préférée du jour est mal cadrée)
Samedi 29
La femme boîte et passe entre moi et le mur de photographies en le regardant vaguement. Elle m’ignore. Je suis assis sur le parallélépipède gris qui fait office de banc, presque face au visage de William Burroughs par Keiichi Tahara. Mais je suis fasciné par le diptyque d’à-côté, celui de Philippe Soupault. Suis-je trop fasciné pour ne pas oser le regarder en face ? Visage enfumé, corps dans le miroir, je gribouille ce que je vois sur les lignes de mon carnet pour me rappeler un peu mieux où sont les ombres et les lumières, les contours et les lignes. Je ne veux pas oublier ces deux images et l’émotion qu’elles dégagent et m’apportent. La femme qui boîte s’est éloignée, je l’ignore, elle a dû passer devant les trois Hervé Guibert sans y porter plus d’attention.
… C’était un moment ce 29 janvier. Un moment parmi tant d’autres. En effet…
Ce samedi commença par la vision d’un homme à terre, après qu’il était tombé de son siège, assoupi sur le quai du métro. L’homme se releva, je ris.
Ce samedi se poursuivit par la jolie lecture du roman de Mathieu Lindon, par la charmante visite de la maison Victor Hugo et de la belle exposition temporaire sur les portraits photographiques d’écrivains, par la plus longue sieste de ma vie, par un moment magique au Louvre pour rencontrer les trois grâces de Cranach, par les hilarantes phrases sur le mur du MK2 et par un parfait moment de cinéma avec ce I wish I knew, histoires de Shangai.
Ce samedi se termina tôt, plus tôt qu’espéré et donc loin de la fête : il le fallait pour ne pas tomber, moi aussi, de mon siège.
Vendredi 28
Le Bordelais n°2 étant en vadrouille parisienne, je retrouvai devant ma porte un JLM ayant eu la bonne idée de glaner un peu plus loin quelques bouchées libanaises à avaler rapidos avant d’aller à la Madeleine écouter le Requiem de Fauré avec Laurent en guest star, avec la soprano joliment dans les hauteurs et avec deux pipelettes italiennes s’étant mangé un “BASTA” dans les dents au bout de 3 mesures. Je trouvai de surcroît sur ma table un cru et le fameux Lindon… Que dire sinon merci ?
Jeudi 27
Le Bordelais étant en vadrouille parisienne, je retrouvai pour cette soirée un Cre souriant – merci l’alcool – dans un bar à la mode – merci la bonne idée – accompagné d’un visage connu – merci Facebook – tandis qu’au bout du bar on détourna la tête. Quelques heures plus tard, après une soirée comme on en fait rarement (tu l’as vu mon ellipse ?*), je connaissais mieux le visage et les dents de Cre (tu l’as vue ma privète joke ? **) et réalisai que… oh m…
* Et le lecteur va s’interroger…
** Et le lecteur va s’imaginer n’importe quoi…
Mercredi 26
Photos. Les miennes, sous un nouveau regard. La table évidemment. L’escalator évidemment. Les flous du métro, les contre-jour de Metz… Recadrer celle-ci ? Pourquoi pas. Retoucher celle-là ? Oui mais…
Photos. Celles de Valérie Belin à la galerie Jérôme de Noirmont. Un seul adjectif me vient : sophistiqué. Je ne suis pas certain qu’il soit adapté, mais n’ayant aucune émotion face à ces femmes fleurs, je me limite à cela.
Cinéma. “Bas Fonds” d’Isild Le Besco. Au début des soupirs. On va où, là ? Et puis, au bout des 68 minutes que dure le film, l’évidence de cette radicalité est bien là. Bam.
Mardi 25
Devant moi 40 minutes de trajet. Et rien à lire, ou si peu : le guide de mon D700, retrouvé deux jours plus avant, et permettant, miracoulousse, de découvrir l’existence de l’intervallomètre. “L’interquoi ?”, entends-je au loin. Rien à lire, alors à la librairie de la mairie, ce couloir de presse atteignant l’horaire de fermeture, je pose la main sur Technikart… depuis le temps que je l’avais abandonné, celui-là… À l’intérieur une confirmation : Mathieu Lindon et son “Ce qu’aimer veut dire“… Ce sera mon prochain achat.
Derrière moi 40 minutes de trajet. Je sors de mon sac les deux capricieux qui feront office de dessert et salue Smilin’O en soulevant discrètement la toile qui couvre la toile… Et pourquoi pas Palerme ?
Lundi 24
À sa main droite Direct matin. À sa main gauche, à l’auriculaire, une bague. Il s’est endormi, peut-être a-t-il juste fermé les yeux à la recherche d’un peu de repos, un peu plus, un prolongement. J’ai fermé les yeux brièvement en terminant Les gangsters. J’avais remisé l’ouvrage en arrivant aux toutes dernières pages, épistolaires et loin de l’intrigue du titre. Guibert écrivait à T. et je m’étais arrêté là, morceau de phrase superbe que j’ose sortir du contexte :
Je suis heureux que mon corps d’homme de trente ans cherche par tous les moyens à entrer en contact avec le cadavre qu’il va devenir.
J’attendais le bon moment pour toucher le point final. C’est fait.
Dimanche 23
Je crois que j’ai retrouvé l’oeil un soir de janvier après quelques tentatives disséminées ici ou là sur les trottoirs parisiens. Je crois que j’ai retrouvé l’envie d’écrire aussi, ou disons l’envie d’écrire ici, car elle était toujours là cette envie, elle était toujours là oui, elle était juste dépassée par les événements et elle s’était juste cachée dans les pages du carnet vert, juste pour moi.
Un mois était passé depuis les derniers mots ici, un mois était passé en voyant défiler des virages, des états, des pensées, des questions, des réponses, des échanges et puis quoi, et puis… et puis ça. Ça, deux lettres qui masquent le reste, un C et un A, voyez-vous ça et puis cette cédille, là, qu’est-ce qu’elle fait là ?
Ce journal, ce sont mes jours, mes souvenirs, mes images, mon quotidien, mes mots. Ce sont ceux des autres aussi, les initiales, les tutoyés. Mes jours continuent, mes souvenirs s’entassent, mes images se figent, mon quotidien s’étire, mes mots restent ici. Malgré tout. Malgré ça.