Au réveil, le vrai réveil après ceux qui se sont succédé durant la nuit, il reste le sourire de l’hôtesse et le lever du soleil, lumière orangée que j’aperçois là-bas, à travers l’un des rares hublot restés ouverts. Je repense aux couleurs du ciel dans ces rares moments, dans ce train pour Bari ou dans ce car pour Abu Simbel. La femme devant moi dort encore, elle voyage seule, enfin je veux dire que son mari n’est pas à côté d’elle. “Tu ne vas pas me faire ça” avait-elle dit, mais si, il est resté sur ma rangée, n’a pas voulu changé de place, tandis qu’elle, elle préférait ; c’était mieux pour ses jambes.
Dans le magazine de la compagnie la poésie culinaire de René Redzepi et celle vue au CAPC de Wolfgang Laib, et puis voilà, sur le petit écran s’affiche la mer, celle que l’on survole. La piste d’atterrissage approche, légèrement blanche, sûrement un peu de givre.
Couloirs, contrôle, escaliers, tapis roulant, toujours une légère angoisse, surtout quand le temps passe sans que déboule le bagage, douane, je choisis une femme quinquagénaire plutôt que le genre jeune mec de la dernière fois, au moins elle ne me demande pas en insistant si j’ai du cannabis sur moi. Non, je transporte une autre drogue madame : du vin, du foie gras, du saucisson et du pâté basque.
Et puis ça y est, toi, un café, toi, un train, toi, un taxi, une femme dans une voiture verte couleur boîte d’aspirine, retour, habitudes, seules les températures ont changé – beaucoup – et le paysage – un peu, un peu plus rouge, un peu plus dégarni.
Assez vite on repart à l’aventure, cette fois-ci en scooter, pour découvrir bien d’autres choses, bien plus libres, librement, fraîchement, joyeusement. Direction Arashiyama. Un arrêt pour un remise de prix de base-ball, les familles rient, les enfants sont fiers mais ont du mal à tout tenir et la poignée de main est fébrile.
Un temple, les couleurs des feuilles évidemment, de près, une petite boutique avec un verre de thé chaud pour l’accueil et l’on se sent (presque) obligés d’acheter ces (jolies) cartes, la nuit tombe vite et les lumières sont là, joli moment imprévu, magique, par petites touches de lumières ou de manière plus imposante avec la forêt de bambous illuminée, nous ne sommes pas, la foule s’agglutine, rêveries d’un promeneur non solitaire.
C’est au bar Onze que l’on se réchauffe, puis restaurant que l’on rêve encore, juste devant nous les plats se préparent, les coloris et les goûts se succèdent, un sashimi de thon comme on n’en mangera jamais ailleurs, une huître lardée frite, un demi-kumquat aux œufs de saumon, du poisson grillé recouvert d’un mélange d’algue et d’anguille, etc. Autour de nous tout le monde mange exactement la même chose, quasiment en même temps, les sourires en disent longs, d’un côté comme de l’autre sur le plaisir partagé. Mais le sommeil gagne… rentrons.