J’ai jeté, et j’ai regretté. On regrette toujours d’avoir jeté à un certain moment de la vie. Mais si on ne jette pas, si on ne se sépare pas, si on veut garder le temps, on peut passer sa vie à ranger, à archiver la vie. C’est souvent, que les femmes gardent les factures d’électricité et de gaz, pendant vingt ans, sans raison aucune que celle d’archiver le temps, d’archiver leurs mérites, le temps passé par elles, et dont il ne reste rien.
Marguerite Duras, La Vie matérielle
Alors tu mets la radio pour cuisiner un peu, parce qu’ils vont venir, précédés – surprise – par la visite de S, toujours joliment accompagnée, étonnamment toujours, généralisation hâtive de ma part, carnet d’adresses étonnant de la sienne : un chef danois cette fois, étonné par cette pâte à tarte que tu malaxes. Il y aura ensuite à l’heure où la France dort, cette chanson magnifique de Mercedes Sosa, précédée d’un extrait de BO ignoré. Durant le déjeuner on regardera les vieilles images, cherchant éventuellement quelque ressemblance sur les visages de mes aïeux.
Et puis le soir, c’est encore elle. Baxter, Vera Baxter cette fois, et la musique, encore, encore, encore, répétée, répétée, boucle folklorique du même continent que Sosa, boucle envahissant l’intérieur bourgeois des femmes mal aimées qui, quand elles prononcent le nom d’Arcangues, évoquent tant de souvenirs ; de là viendrait mon goût d’errer dans les cimetières ?