Je crois que finalement nous sommes perpétuellement poursuivis par les chansons d’amour, tristes à Venise quand on ne s’aime plus ou joyeuses perché ti amo. Poursuivis en voiture, en l’occurrence, via la playlist d’Eduardo car mes hôtes m’emmènent ce samedi petit-déjeuner puis déjeuner loin du centre-ville et dans des lieux qu’on qualifiera de non-touristiques, pour ma grande joie sociologique, allant d’un petit-déjeuner dans une station-service à un déjeuner dans un centre commercial m’évoquant mon séjour à Chicago, évocation pour laquelle je vois ma vie défiler : il y a vingt ans déjà…
Au fil de cette journée, qui se poursuit dans le charmant quartier Italia (façades colorées, boutiques branchées, bars agréables et magasins d’antiquités), les conversations naviguent entre le Chili, la France, l’Argentine d’où est originaire Claudio et le Japon qu’ils ont visité en mai dernier. Cette coïncidence, ou plutôt ce glissement du calendrier, nous amuse et nous relie. Sur les photographies défilant sur la tablette un peu plus tôt, il y avait leurs sourires heureux et le vert des érables. No te extraña el Japon ?, me demande-t-on. J’ignorai ce verbe, alors il répète en anglais : Est-ce que le Japon te manque ? Je ne sais pas quoi répondre, je bafouille un Oui et non, c’est flou et compliqué, pas aussi net que toutes ces couleurs qui nous entourent, disons que j’avais comme envie d’éviter ce pays mais qu’il s’impose et que par bonheur ses contours s’adoucissent. J’ai donc envie de mal-traduire cet extrañar pour me demander à moi-même si le Japon m’étreint.