Tu lâches mon bras. De gestes de la main souples et virevoltants, tu me décris un vêtement, un vêtement imaginaire mais nourri de ta mémoire, il serait à ta mère ou à ta tante, il serait de couleur vert sombre comme une forêt d’épineux le soir peut-être. Tu fais un nœud, comme ça, puis là un autre, comme ça, voilà. Ainsi tu te dévoiles et t’habilles de souvenirs et de coupes amples, c’est inattendu et élégant, une douceur s’en dégage, laissant apparaître une épaule, offrant dans l’échancrure fantomatique cette peau qui ce dimanche reste sous la maille rouge, rouge vif éclatant comme ce sourire que je te volerai plus tard en te racontant ce serveur après que tu m’auras embarqué dans les clubs berlinois et qu’apparaîtra, sans savoir comment, une publicité Gillette pour qu’une main caresse une joue.
Les mains parlent ainsi, cet après-midi, autant que les mots. Les miennes disent ce que tu sais, elles s’approchent, s’arrêtent, là tu en ris. Les tiennes répondent parfois, se glissent. Elles ont aussi montré du doigt cette image d’Alex Majoli, les gens tu vois, les gens, la lumière et les ombres et c’était si beau qu’on n’avait plus rien à en dire. Nos mains, en ce dimanche, sont notre frontière. C’est-à-dire non pas ce qui nous sépare, mais ce pointillé sur une carte, qui nous relie, avec tout le reste du monde autour de nous, avec les gens autour de nous. Et les mains font un dernier signe, après les yeux, les lèvres déjà refermées.