– Maman, c’est quoi le langage ?
– Le langage, c’est la maison dans laquelle l’homme habite.
::: Deux ou trois choses que je sais d’elle / Jean-Luc Godard
On raconterait alors comment on s’est retrouvés à 11h16, dix heures à peine après s’être laissés. Ils m’attendaient, avaient déjà pris un café, alors j’ai dit “plus tard”. On raconterait les bretelles, la quête de J pour un costume, et puis voilà une veste, alors un pantalon, mais tiens un café par envie et pour s’abriter – des cordes ! -, et on aurait parlé de matières, motifs, tissus, on aurait touché tout ça, soupesé, et puis les chaussures aussi.
On raconterait le déjeuner, c’était exquis et le serveur était magnifique, un ange tombé du ciel, des boucles d’un blond qu’on n’imaginait pas, des yeux verts qui ne pouvaient pas avoir existé autrement qu’en rêve, il était là, tout près, il parlait mais je n’ai pas retenu, je buvais ses yeux, de toute façon quoi qu’il dise il y avait eu cette phrase : “Le français n’existe pas.”
On dirait au début du troisième paragraphe que j’avais été heureux d’être là avec eux, dans ce trio volubile, léger, rieur, que nous form(i)ons tous les trois. J’aime ce que nous proposons, j’aime comment nous embrassons nos solitudes respectives ; pour une fois le soir n’était pas tombé.
Le soir n’était pas encore tombé quand j’ai regardé le ciel, celui qui m’est offert du troisième étage. Il faisait froid mais je suis sorti. Les quais étaient presque vides, vidés par le vent glacial. Des filles tiraient sur leur jupe. Là-bas on grelottait. Le ciel était beau, porté par l’horizon qu’offre la Garonne et dont tu m’avais parlé ce jour où nous nous sommes rencontrés. J’ai beaucoup parlé de toi ce matin, surtout avant de m’écrier : c’était ton anniversaire.