Vos visages se succèdent.
Toi, d’abord, cette photographie que tu m’envoies, les cheveux coupés, le sourire éclatant, les yeux dans lesquels brillent cette lumière qui aurait pu illuminer Istanbul un matin de mai et qui éclaire parfois les matins parisiens. Il y a ce filtre qui lisse un peu ta peau sur cet autoportrait fait au téléphone portable. Nous échangeons quelques mots souriants mais ta fatigue l’emporte ; il est vingt heures vingt, tu dis “Je me repose jusqu’à demain matin.”
Toi ensuite. Tu aurais pu dire cette même phrase : vous partagez ce point commun, le plaisir du repos, et le corbeau de vos cheveux. Ainsi te revoilà, tu es à nouveau visible, le compte n’est plus privé, je n’en suis plus privé. Tes quelques cinq milles visages n’ont pas de filtre lissant, le plus récent est superbe, tu y parais mystérieux, ailleurs, peut-être est-ce dû à la frontalité, rare, de la prise de vue, et puis il y a toutes les autres dans cette fascinante litanie de ces propres regards sur toi, parfois encore le corps se dévoile, tatoué d’indélébile comme nos souvenirs. J’ose un double-clic pour aimer une image, une seule image, prise à Arashiyama lors de ton dernier voyage en février dernier ; tu portes un kimono. Souvent tu es triste. Encore tu es ce garçon qui ne veut pas sortir de l’enfance. Parfois tu as ce regard espiègle et soudain je suis frappé, c’est aussi celui de Z, oui c’est le même, le même. Toujours ton regard est noir, toujours, infiniment. Sur l’image du 10 août dernier, on aperçoit ce portrait que j’avais fait de toi.
Et Kazuhiro Soda, encore.