Enfin les voici, dans les quinze minutes de retard nonchalantes de leur jeunesse. Tout de suite, il me demande « Vous habitez dans le coin ? ». « – Oui, par là-bas, mais tu peux me tutoyer. »
Il ne me tutoiera pas. Pas cette fois, peut-être jamais. Nous nous installons à cette terrasse où, deux jours plus tôt, on m’aurait déjà aperçu avec quelqu’un de dos. L’échange est inédit, et les digressions nous amènent par exemple à mes 26 ans et à son arrière-grand-père dont elle ne sait rien. La dernière fois que nous étions ainsi, déjà seuls, puisque la présence de R ne m’empêche pas de dire « seuls » de ce moment oncle-nièce sans l’entourage familial habituel, je l’avais accompagnée en train vers Paris, c’était une petite fille. Déjà, sans doute, avait-elle cette espièglerie, qui aujourd’hui lui donne de l’audace. Pourtant je la rassure.