Dimanche 15 septembre 2019

On s’amuserait, dans des chouineries d’artichaut, à égrainer les histoires de la semaine, les moments de la journée, les rencontres de vendredi soir, les retrouvailles que l’on espère, les échanges qui finissent dans le silence d’un avion qui décolle, les relations qui ne disent pas leur nom, qui n’en ont pas, qui n’en veulent pas. Peut-être qu’on ne s’amuserait pas de tout. On serait attablés, au début il y aurait eu un soleil qui caressait la rue et la table où je vous attendais. Ils s’appelleraient Édouard, Angelo, Peter, parfois ils n’auraient pas de nom, ils passeraient dans les rues de Barcelone, ils viendraient s’asseoir à la table d’à côté, ils auraient dansé torse nu, ils auraient des yeux verts qui fument les cigarettes à la myrtille, ils promettraient de revenir, ils voudraient nous revoir, ils ne sauraient pas quoi faire, ils viendraient d’Anvers, de Beyrouth, de Caudéran, on se dirait peut-être qu’il ne faut pas les aimer ainsi pour ne pas pleurer ainsi. L’un d’eux pourrait revenir dans ce journal, si longtemps après, on se souviendrait d’un Noël où l’on n’avait pas dit grand chose devant quelques dessins animés. Il était réapparu tout comme j’étais réapparu pour lui ; Bordeaux nous avait retrouvés. Il m’aurait écrit ensuite que je n’avais pas changé, qu’il lui semblait qu’il avait pris vingt ans. J’aurais écrit “Non, 2019 – 2008 = 11.” Parce que j’étais bon en calcul mental, comme l’espérait la serveuse.