Mercredi 27 novembre 2019

Elle domine le village, lui-même haut perché avec ses raidillons coupe-jarrets, ses monte-à-regret cabrés vers le ciel, l’emmêlement têtu, le ruissellement gris bleu de ses toitures d’ardoises, ses étagements de balcons, de tourelles en encorbellement arrimés aux redans du rocher, avec l’ample retombée de ses jardins en terrasse, ses volées de marches dévalant la pente, impatientes de se faufiler au milieu du quant-à-soi des vergers, entre les hauts murs de granit, gainés de mousses et de lichens, alourdis par le débord cornucopien des arbres en espalier, la plénitude tentatrice des reines-claudes, des figues fleurs, des sanguinoles ou des pavies, tunnels d’ombres et de feuillages le long desquels on dégringole en criant à tue-tête pour déboucher enfin, hors d’haleine, échevelés, les joues en feu, au milieu des éclats de rire des berges, des courses trébuchantes sur les bancs de galets, face à l’éclaboussement des corps nus dans l’eau froissée de soleil.
::: Christophe Pradeau ; La Grande Sauvagerie