Je me prépare. J’ouvre le sac dans lequel hier j’avais glissé de quoi éventuellement m’accompagner, et j’extrais donc ce livre, ces Fragments d’un discours amoureux, qui ne me disait par grand chose qui vaille ; je sentais bien que je n’avais pas la tête à ça. Mais peut-être, en une citation glanée au hasard, aurait-il résumé l’état d’esprit multiple qui me hantait, ou une portion, celle de l’attente notamment, déjà proposée en ce journal, un 24 janvier. Les années passent, et je ne sais plus qui j’attendais. Peut-être personne, jouant avec les non-dits pour parfois ne rien dire.
Je renomme le livre. Il devient d’abord dans ma tête le Discours d’un fragment amoureux, mais prolongeons ici le jeu, puisque – comme je le dirai à JLM plus tard -, c’est l’humour qui nous sauvera, l’humour ou le fatalisme, et donc ce sont DES fragments amoureux, ou quelque chose d’autre, un amoureux fragmenté, en une fêlure qui prolonge la multiplicité de la veille, comme un éclat – paf – qui se prolonge en étoile. Fragmenté car en attente, craintif, rêveur, fou, inconscient, possible, amoureux de quoi ?, pourquoi ?, déjà ?, comment ?, amoureux des moments fragiles qui n’ont encore rien produit sinon l’attente, la crainte… oh donc déjà ce n’est pas rien… les idées qui voltigent, les questionnement, les amis qu’on appelle et à qui l’on dit les fragments, à qui l’on dit que peut-être ça me permettra d’écrire un texte, que l’écriture sera là si jamais, la résilience et tout ça si jamais, mais déjà le lendemain j’ai oublié mes mots, et à 13h18 je t’avais écrit que ça me ferait peut-être écrire un beau texte triste etc. etc. et ça tourne en boucle, et on refait le film, et on répète les scènes, les mots.
J’hésite une fois de plus à arrêter ce journal. Hier je pensais peut-être en écrire un autre. Pour moi. Pour ne pas oublier ce qui me traverse au moment où ça me traverse. Sans jouer avec l’écriture et tout ce tralala. Ce petit tralala ? Celui-là, il en dit trop ou pas assez. Ou peut-être qu’il dit mal la complexité de ce qui me traverse. Peut-être qu’il écrase, en un phrasé ampoulé, ce que j’espère ce soir, ce que j’admets ce soir, ce que je regrette ce soir, et tout le reste, et tout ce que je t’ai dit, plus simplement, et tout ce que je t’ai dit, plus simplement, et que ça fout tout en l’air.