23 septembre
Les funérailles ont eu lieu hier. Il serait ennuyeux de les décrire. Tout le monde m’a dit que j’étais splendide dans mes habits de deuil.
:::Valéry Brioussov ; Dernières pages du journal d’une femme.
Ils sont assis sur les marches du numéro 17 de la rue aux Herbes. Je les ai déjà dépassé de deux ou trois mètres lorsque l’un des deux m’interpelle. Je me retourne, par politesse, j’attends qu’il me réclame une petite pièce en me disant que je répondrai sûrement que je n’en ai pas. Mais il me demande, en un phrasé trébuchant sous l’alcool, si j’accepte qu’il me pose une question. J’accepte, dans un sourire ; ses yeux brillent.
Le voici qui me demande ce que je pense des gens qui passent et qui cassent les bouteilles des autres. En effet à leurs pieds, du verre brisé et le contenu d’un litre de rhum-coco. Je crois alors que je n’ai pas le temps de répondre qu’il me dit qu’en échange de ma réponse on pourrait faire l’amour. Oui. Carrément. Son camarade de boisson, au visage plus assorti à du jus de raisin qu’à du rhum-coco me sourit alors de toutes ces dents et prononce un truc que j’ai bien oublié – et que je n’ai peut-être même pas exactement compris, mais il n’avait pas l’air de trouver étonnante la proposition. Tout ceci avant que mon regard se pose sur les deux autres bouteilles de cette même boisson et que je blague à ce sujet, rassuré de les savoir ainsi bien accompagnés. Je laisse alors le Don Juan terminer son laïus – en gros, ceux qui cassent des bouteilles méritent une mandale – et m’éloigne en les saluant, regrettant presque de quitter leur compagnie incongrue… Mais j’avais trop peur qu’ils me proposent de trinquer.