À mon sens, connaître notre nature humaine est donc essentiel. Et cela passe forcément par l’enseignement de l’incertitude. On se rend compte aujourd’hui qu’il y a des phénomènes qu’on ne peut pas contrôler, y compris dans des disciplines comme la micro-physique. On est certain de sa mort mais on ne sait pas quand elle va arriver. On se marie, on pense qu’on va être heureux, mais ce peut être un mariage épouvantable. On cherche du travail sans être sûr d’en trouver… La certitude fait partie du destin humain, mais nul n’est préparé à l’affronter. À mon avis, la réforme de l’enseignement dois d’abord aller dans ce sens.
::: Edgar Morin.
Il y a, dans mes projets d’écriture, un abécédaire. A la lettre A, il y aurait probablement l’un de vous deux.
Toi qui es assis là, dans la joliesse coordonnée de ces couleurs qui t’habillent et qui recouvrent le canapé. Tu vois, en d’autres temps, j’aurais écrit ce que ta présence disparue me procure, lors des jours sans rien ou lorsque, comme ici, te voilà. Dans mon abécédaire, tu dépasserais peut-être tout le monde, pour cette place que tu as eue, ce truc qui se produisait, là, dans la cage thoracique surtout. Mais aujourd’hui, tu vois, je raconte tes couleurs. La dernière fois déjà, c’est de celle de ton pantalon que j’avais parlé ; mais encore je t’aimais tant.
Toi qui viens plus tard, et qui m’offre ton aisance à poser ainsi, bien vite sans ce tee-shirt trop ample qui cassait trop de lignes, toi qui m’offre surtout ainsi une heure, une heure qu’il me faut pour te regarder, te tourner autour, déplacer la lumière, puisque je ne sais pas, puisque je n’ai jamais fait cela, ni jamais, ainsi, reçu autant de patience et de temps, reçu autant de légers mouvements de tête auxquels on peut répondre “Ne bouge plus !“, reçu autant de mystère lorsque ton visage se ferme, reçu autant de joie que celle que tu exprimes en voyant les images.