Je ne sais pas pourquoi j’ai choisi, pour aller déjeuner chez S, les gâteaux les moins attirants. Enfin, si je sais pourquoi. J’avais envie d’être surpris par le détournement d’un cheese-cake, gâteau que j’adore pour sa simplicité et son efficacité, alors revisité par le pâtissier S, dont on notera la similitude alphabétique avec celui qui m’attendait. Le cheese-cake était en mode “soufflé” disait l’étiquette ; nous ne le fûmes pas. Pschitt a fait le soufflé. Ou bof.
Il s’agira donc, au prochain rendez-vous, de rattraper l’échec gustatif qui a clos le repas. Mais encore au prochain rendez-vous parlerons-nous délicieusement de livres et de films, encore y aura-t-il ces lieux que S habite ou avec lesquels il a rendez-vous, encore dirai-je que tout ce qui m’attend m’attend encore : ces livres non osés, ces images non montrées, ces yeux non regardés. Peut-être aurai-je eu d’autres audaces que les courbes et les ombres qui défilèrent en petites vignettes carrées après le café et qui attendent leur double, leur contrepoint, leur part manquante : des mots. Les mots raconteraient les silences. Cette idée est en moi. Elle est apparue dans la conversation après qu’on a parlé du livre de Patrick Autréaux, qui, à l’endroit où il se place, me plait, mais qui, à l’endroit où il reste, me déçoit : dans ce qui ressemble à l’amour mais qui n’est qu’une succession de brûlures qui n’ont que le goût de l’incomplet, de l’inaccompli et de l’attente, l’auteur se retient de dire là où ça explose. Veut-il ainsi garder pour lui ce qui ne se partage pas ? Ou veut-il encore croire qu’il a eu droit à quelque chose, rien qu’à lui, là, au creux de lui ?