La journée commence par la nouvelle chanson de Clara Luciani, clip acidulé sur l’écran du téléphone tandis qu’en arrière-plan il y a la radio qui sort du pied du lit et que je n’écoute pas réellement. Les paroles de la chanson sont à l’image du projet du jour : relire ce livre qui parle de toi, et qui montre ton corps, nos mains, ta nuque, nos frôlements. Elles parlent d’un amour perdu, du souvenir ému d’un corps nu. C’est pourtant un air sur lequel on dansera bientôt.
Nous ne sommes plus hier. Il n’y a plus de douleur. Il y a enfin, dans la journée, cet état dans lequel j’entre pour travailler. Peut-être qu’il me fallait souffrir de ce qu’il y a à-côté, c’est-à-dire des jours sans rien, sans ça, sans créer. Peut-être que je souffrais d’attendre. Mais d’attendre quoi ? De nous retrouver, là ? Encore parfois traversé par mon amour pour toi, je ne sais pas pourquoi je m’obstine à nous regarder vivre.
Mais je relis le texte, corrige encore, rectifie. Tout a a beau être extrait de mon journal, il faut quelques reprises, je dois gommer quelques flous, me battre contre quelques fantômes. Ainsi j’efface ce passage qui évoque un prénom qui n’était pas le vrai : il y a, dans nos histoires de garçons, des prénoms changés, des peurs, des discrétions. Il y a, dans son prénom que je croyais être celui par lequel on l’appelait, le souvenir net de mon émotion lorsque, déjà reparti loin d’ici il m’avoua la place que j’avais eu : il y a, dans nos histoires de garçons, un premier. J’avais été le sien.