Je te demande si tu as perdu du poids. Tu me dis que non, tu ne crois pas, mais tu me demandes si j’ai un pèse-personne. Je n’en ai pas. Ton visage a changé, c’est peut-être simplement parce que tes cheveux sont très courts aujourd’hui. Chaque fois que tu viens, je le pense, et aujourd’hui tu as presque perdu ce visage de l’enfance que tu portais quand nous nous sommes rencontrés. En te photographiant, je te dis que tu es beau, je le dis plusieurs fois, je dis plus précisément que c’est facile de te photographier tellement tu es beau. J’aime quand tu ne souris pas. Alors je te dis de faire la gueule. Et nous rions.
Et les tu se succèdent et vos visages aussi.
Le tien est en vidéo et depuis deux jours il s’est encore plus assombri. C’est ton père, cette fois, qui t’exclut. Et dans tes paroles, c’est toi qui définitivement balaye ta mère d’un revers de main ; elle est devenue le diable. Pourtant, dans un mouvement de légèreté, tandis que ton malheur t’entraîne vers des projets loin d’eux, dans une autre maison, dans d’autres habitudes, je te dis qu’aller là-bas, pour moi, devient possible, peut-être. C’est étrange, je ne l’avais jamais imaginé : il ne m’avait jamais traversé l’esprit que je pourrais voir un autre désert. Tu souris, et tout de suite tu dis que la ville n’a pas grand intérêt. Alors je m’enthousiasme et j’imagine déjà mon regard à l’affût et des alignements d’immeubles bordant le rien. Tu acquiesces.