Vendredi 14 mai 2021

Tu étais réapparu hier, pendant le film. D’abord, tu sais, je t’en avais voulu. Tu avais pris l’initiative de reprendre contact, de manière douce certes, par une question qui me laissait te dire non. Mais que dire, puisque tu rompais le silence ? Je t’avais dit de me laisser quelques jours, j’avais été optimiste ou fou : c’était il y a quelques jours. Tu m’avais dit de prendre le temps qu’il fallait. Mais… le temps qu’il fallait à qui ?
Le film, c’était Lost in Translation. Jamais vu. Ch m’avait dit que c’était raciste, ou un truc du genre. Moi j’y voyais ce que j’avais vécu, cette grande solitude dans cette langue japonaise aussi opaque que les profondeurs du Pacifique. Il y avait bien quelques clichés, qui donneraient peut-être raison à Ch. Mais il y avait deux êtres perdus ailleurs, perdus d’être éperdus. Mon Japon, un peu, quoi…
Après le film, je t’avais répondu. Déjà, tu dormais. Tout se bousculait et je ne t’avais écrit que deux phrases. Presque contre mon gré. Parce que peut-être les jours avait suffi. Mais ensuite ? Je comprends que je ne veux plus, dans ce journal, faire apparaître ça. Or tu recouvres tout : comment taire ton absence ou ta présence ? J’ai en tout cas peur qu’encore tu recouvres tout et que, comme ici, je ne puisse taire cette folie dans laquelle les mots aiment s’engouffrer.

Ce matin, ma réponse était lue. Et les heures ont passé, sans heurts. Avant que tu reviennes en moi. Avant que la soirée approche et que je me retienne de t’écrire. Avant qu’ici j’écrive cela, recouvrant le reste.