Tu me racontes qu’un jour, tu as exposé des photographies prises lors d’un séjour aux États-Unis. Ta seule exposition je crois. Tu me dis que la vente de ces images avaient été difficiles, il avait fallu définir un prix, il te semblait exorbitant. Et puis il avait fallu te détacher d’elles. Elles n’étaient alors plus à toi. L’une était floue, ratée dis-tu, mais jolie disait-on.
Comment garder à soi ce qui prend le statut d’œuvre vendable ? Comment garder pour moi les images d’A, si un jour elles sortent de cet espace dans lequel elles se trouvent ? Comment voir partir son corps, ce moment à nous au bord du lac, cet instant où il est sur mon lit et qu’il me tourne le dos ? Je crois que cela me semble impossible. Perdues au milieu des mots, si le livre voit le jour, les images sont un tout, marquées de mon nom, elles restent miennes, elles restent ce que nous avons été. Mais s’il advient qu’on en accroche quelques-unes à un mur et qu’on me dit “Vous la vendez ?“, que répondrais-je ? Cela ne m’était jamais apparu en regardant par exemple les images d’Hervé Guibert ou de Claude Nori. Je n’y voyais que leur dialogue avec moi, spectateur. Pas le fait que l’intime, leur intime, pouvait s’acquérir. Alors, que répondrais-je ? Je répondrais non.