Mardi 15 juin 2021

Croisement des rues Bergeret et Leyteire. Il a le regard perdu ; je lui demande s’il cherche son chemin. Il me répond “Non non. Vous vous cherchez votre chemin ?“. Je réponds “Non non.” Ca flotte un peu, je sens qu’il a un truc qui ne va pas, j’ajoute qu’il a l’air perdu, d’où ma demande ; je laisse le temps se suspendre un peu. Il a peut-être 55 ans, il est arabe.
Alors il sort son téléphone, il me demande si je sais m’en servir. Il est en mode appareil photo, je ne comprends pas très bien ce qu’il n’arrive pas à m’expliquer – faire apparaître la galerie d’images – et comme je n’ai pas d’iPhone – c’est son neveu qui lui a acheté sur Internet, 500 euros – je suis moins doué que lui, mais nous retrouvons enfin l’écran d’accueil. Je clique sur le pictogramme adéquat.
Je pense que nous voilà tiré d’affaire, mais il me demande comment il peut effacer certaines images. Celle-ci par exemple. Ah oui, c’est porno. Je clique, je ris, il est gêné, il dit qu’il ne sait pas comment c’est arrivé là. Il y a en a plusieurs, des gifs animés provenant probablement de sites web… il ne me vient pourtant pas à l’esprit de lui dire d’effacer l’historique de ses visites. “Quelqu’un de seul, ce ne serait pas grave mais bon… j’ai ma famille…” Je ris, je crois que ça le détend, il m’appelle “Mon ami“. Nous remontons la rue Leyteire jusqu’à Victor Hugo en échangeant des banalités : l’aparthôtel ouvert récemment devant lequel on passe, les souris… Un dernier “Mon ami“, il s’éloigne, soulagé.