Le livre, entamé hier sur le canapé, deux lampes d’appoint allumées, tandis que je t’attendais, après que j’avais écrit ici sans en reporter, curieusement, les premières phrases, le livre donc est peut-être celui qui m’a fait basculer dans une quête, celle du plaisir de lire, une exigence peut-être. Il m’a, en tout cas, ouvert les yeux sur une réalité : il existait autre chose. Je l’avais emprunté à la bibliothèque de La Rochelle, et nous étions en 1999. Je ne crois pas me tromper. J’avais terminé, le 15 avril, 20 mois de service national en qualité d’objecteur de conscience, et j’étais au chômage. J’allais à la salle de sport trois fois par semaine. Je cherchais du travail. Je me cherchais peut-être aussi, sculptant plutôt harmonieusement mon corps mince pour l’aimer peut-être un peu plus. Je lisais les Inrocks, j’écoutais Bernard Lenoir, mais je crois que ma curiosité culturelle se limitait à ça. J’allais, je suppose, sporadiquement au cinéma mais je n’en ai aucun souvenir. Je n’allais pas au théâtre. Je n’étais pas porté par grand chose. Je n’étais probablement pas très intéressant. J’avais sûrement de l’esprit, tout de même. J’étais assez seul mais je ne crois pas que je cherchais à combler cette solitude. En février, il me semble oui que c’était en février, quelque chose me dit que c’était avant son anniversaire, j’avais quitté G après 3 ou 4 mois de relation.
Et donc, je me suis mis à aller à la bibliothèque. Ce que je me rappelle, c’est que j’ai alors lu quelques Duras, Dustan, Echenoz et Ernaux. Un ou deux de chaque, peut-être. Ernaux, c’était V qui m’en avait parlé. Les autres, les Inrocks ou Têtu, qu’en sais-je.
Et puis il y a eu ce livre, donc : “La Fin du monde”, de Jacques Audiberti. Trois nouvelles qui m’avait soudain fait prendre conscience que la littérature pouvait d’un part déplacer les limites du monde visible. C’est un peu pompeux, comme expression, mais c’est celle qui me vient. Et puis, ça a avait de la gueule, ce style. En le relisant, je comprends que ça en avait peut-être un poil de trop, mais fichtre… j’avais ouvert une porte.
Je pense que c’est au Noël suivant que j’ai demandé à mes parents de m’offrir le livre. Je n’avais jamais réussi à le relire. Il était comme un précieux. Le revoici.