Vendredi 10 décembre 2021

Je suis sur ton canapé, dans cet appartement où nous n’avons pas vécu ensemble et où tu vis dorénavant et jusqu’à toujours. Je te parle de moi, de mon père, de ma mère, des mes sœurs, ainsi nous dialoguons, tu as vécu cela, tu me rapportes les dernières paroles de ton père, moi je ne les sais pas, je les ai oublié les derniers mots qu’il m’a adressé, ou au moins la dernière fois que j’ai entendu sa voix, derrière celle de maman, je ne sais pas quand c’était. Il y a peut-être un indice dans le carnet noir, mais cela m’étonnerait. “J’ai oublié” : comment de fois je les prononce, ces mots, chaque jour. Tout s’étiole. Et nous parlons encore.

Et puis je te laisse, je marche à travers le dix-neuvième arrondissement pour arriver chez B ; trente et quelques minutes. J’aime être chez B, souvent il n’est pas là, il me prête cet endroit où il vit, c’est chaleureux et calme, il y a comme une forme de pureté chez lui ; et tout est bien rangé. Depuis la dernière fois, les plantes ont quitté la table, toute une étagère les accueille, près d’une fenêtre. Le temps glisse ; en écrivant ces mots je pense à son lit confortable : le matelas ferme, la couette lourde. Et il y a ce silence.