Dimanche 13 mars 2022

Tu n’y es jamais allé, au Capc. Ni au Capc, ni dans aucun musée d’ici, en fait. Alors tu me suis. La Nef est habitée d’une pièce phénoménale, dans laquelle il faudrait creuser, insister, mais non, je ne veux pas : dès les premiers pas, dès les premiers mots écrits noirs sur blanc sur les murs pour guider le spectateur, je comprends que je n’ai pas envie de ça, ni envie ni besoin. Toi, tu me fais remarquer que c’est tout de même du gâchis, tout ces matériaux, pour ça. Alors on va là-bas, au fond, à gauche, puis à droite. En parlant avec toi, en me retrouvant un peu obligé de commenter ce que je vois, je comprends quelque chose que je n’ai jamais vraiment exprimé depuis toutes ces années à voir de l’art contemporain, qui a trait à ce que l’artiste me donne à voir en tout premier lieu. Je comprends, même s’il y a des exceptions, qu’il me faut une forme de joliesse, de douceur, ou quelque chose de fort mais sans âpreté. Il ne me faut pas, en tout cas, ces costumes de sirènes, qui veulent me dire… qui veulent me dire quoi ?

Ce que je ressens ou comprends cette après-midi auprès de toi, c’est que l’âpreté me demande du temps. Je n’en ai pas. Aujourd’hui, je n’en ai pas, pas pour ça. Pas pour cette complexité, pas pour cette forme de complexité.

Et puis l’on monte. On prend notre temps, tout là-haut, dans les collections permanentes. Ça commence avec Sylvie Blocher et son dyptique vidéo “Change the Scenario”, c’est beau, c’est fort, et puis il y a Tillmans, les Bescher, un paysage de vagues métalliques, ou encore ces tubes qui bougent, mi-chorégraphie mi-mouvements militaires. J’aime. Globalement, j’aime, j’aime être là, peut-être que j’aime que nous soyons-là tous les deux, que je sois le témoin de ta découverte, que je sois peut-être face à moi-même et à ce que je ne sais pas dire malgré l’inconfort que cela produit. Il se dégage, dans les espaces, une ambiance que je dis smooth. Nous la prolongerons avec une bière que tu n’aimeras pas et un kebab rompu par son message : “Where are you?” On lui enverra un image de nous deux, moi grimaçant, et tu en riras.