Parfois j’allais me baigner tout seul, sur des petites plages isolées où il n’y avait personne. J’y arrivais en voiture au long de ces virages lents où de temps à autre surgissait l’éblouissante apparition de la dalle marine. J’arrêtais la voiture, je descendais à pied sur des sentiers envahis d’une végétation dure et épineuse. Je me déshabillais, je me couchais sur le sable brûlant. Je pénétrais dans l’eau, je nageais un moment vers le large, je faisais la planche sur le ventre, le visage plongé dans la bouillie chaude de la mer. Je revenais m’écrouler sur la petite plage déserte, face à la déclivité de l’eau. Son éclat gélatineux traversait le voile de mes paupières fermées tandis que je restais ainsi, hors d’atteinte, seul, hébété.
::: Antonio Moresco ; Les Incendiés