Il y a sur la table les demi-visages qui nous appellent à voter, dans le frigo le reste de soupe de fanes de radis que j’ai faite hier après que j’avais acheté une botte, une baguette, un Saint-Marcellin et un pot de crème fraîche qui feront mon dîner deux soirs de suite. Il y a à l’entrée quelques paires de chaussures, ici ou là quelques vêtements au sol, sur le bureau quelques bols ; la table à repasser attend, on y perçoit l’ennui ou la routine, on se sait pas forcément le geste que j’ai, souvent le matin, de repasser une chemise. Il y a sur le canapé des serviettes provenant de chez ma grand-mère et stockées depuis vingt années chez mes parents. Au pied du lit, des livres – “encore des livres” avait dit D lundi -, dont l’inavouable épaisseur proustienne de 2410 pages et des piles qui attendent mais dont leur présence m’apaise. Il y a peut-être, c’est cela, dans les livres, une forme de présence humaine, en attendant. Il y a dans mes pensées ce vingt-deux avril où nous nous reverrons, il y a aussi ce soir T qui ne viendra pas, N qui n’est sans doute plus.