Elle est assise devant moi, concentrée, attentive, soucieuse d’apporter des réponses à mes questions. Sa petite taille, la minceur de son corps enfoui dans une robe de chambre et l’expression sérieuse de son visage la font ressembler à une enfant un peu malade, momentanément consignée dans sa chambre. Quand elle sourit, des rides strient la peau fine, pâle, presque transparente. Sa voix singulière est demeurée la même malgré quelques hésitations. C’est celle de Thérèse, la bouleversante criminelle des Anges du péché, le premier film de Robert Bresson, tourné à Paris, en 1943. Pour moi, elle s’efforce d’évoquer l’homme qu’il a été. Cette femme s’appelle Jany Holt.
De temps en temps, elle se tait. Mais ses silences sont pleins, je ne sais pas de quoi, peut-être d’autres morceaux de sa vie dans lesquels elle s’attarde. Je me tais aussi, ma respiration suspendue à la sienne. J’attends qu’elle se rappelle que nous sommes là, qu’elle reprenne le récit commencé.
::: Anne Wiazemsky ; Jeune fille
Soudain, puisqu’elle parle de Godard, je me lève, vais à la lettre W dans les étagères de livres et le prends. J’ai envie de ça. Depuis longtemps : je me souviens lorsque le livre est paru. C’est le moment.