Tu me parles du fait que tu es arrivé au bout d’un récit. Je ne pense pas à te demander de quoi cela parle. Je ne sais pas pourquoi, inlassablement, j’interroge peu.
On évoque l’effort et le temps que cela demande d’écrire. On parle aussi de tout, de rien, et l’on parle – moi je parle beaucoup, non ? – sans m’épuiser. Sans t’épuiser non plus, semble-t-il.
Je te regarde. Je me demande comment nous pourrions être encore deux, puisque comme d’autres, nous aurions pu être encore deux. Tu me parles de D, tu me dis que c’est difficile entre eux, mais qu’ils vont s’en sortir. Tu dis probablement cela en pensant à nous. Est-ce qu’on aurait pu s’en sortir ? J’ai la réponse mais je ne l’écris pas. Je laisse le lecteur en proie au doute.
Aujourd’hui il y a toujours le piège de ce que tu dégages, il y a le piège de ces rares moments où nous nous voyons, cette harmonie, cette aisance. Et cependant, ce voile entre nous, le vois-tu toi aussi ? Je pourrais facilement dire, alors, que je t’aime encore, d’une certaine façon, peut-être aussi que je m’aime enfin avec toi, dans ces moments-là, éphémères, le temps d’un dîner, d’un partage. Peut-être parce que je sens, d’une certaine manière, que c’est moi qui tiens les rênes. Et puis je ressens l’espère de médiocrité qu’il y a à écrire cela ici dans toute cette brièveté.
Tu me demandes où j’en suis, moi, de l’écriture de ce livre. Tu ne me demandes pas ce que raconte l’autre manuscrit dont je te parle. Il raconte combien j’ai aimé A plus que tout. Plus que tout donc plus que toi.