J’ai posé trois petits bouts d’écorce sur une feuille de papier. J’ai regardé. J’ai regardé en pensant que regarder m’aiderait peut-être à lire quelque chose qui n’a jamais été écrit. J’ai regardé les trois petits lambeaux d’écorce
comme les trois lettres d’une écriture d’avant tout alphabet. Ou, peut-être, comme le début d’une lettre à écrire, mais à qui ? Je m’aperçois que je les ai spontanément disposés sur le papier blanc dans le sens même où va ma langue écrite : chaque « lettre » commence à gauche, là où j’ai enfoncé mes ongles dans le tronc de l’arbre pour en arracher l’écorce. Puis elle se déploie vers la droite, comme un flux malheureux, un chemin brisé : ce déploiement strié, ce tissu de l’écorce qui se déchire trop tôt.
::: Georges Didi-Huberman ; Ecorces
Seul, dans ce CAPC où la foule virevolte, je m’ennuie. Je suis là pour, disons, être là, dire que j’ai vu, j’ai fait, je suis allé, dire que je ne suis pas resté chez moi. Ma solitude me colle à la peau, je pense tout le monde voit que je suis seul, que je m’ennuie, seul, que je n’ai pas envie de rester. Alors que tout le monde m’ignore. G ne me réponds pas, de toute façon ça ne capte pas.
De toute façon, tu m’attends ou plutôt nous nous attendons, et finalement toi aussi tu pars de là où tu es, un autre vernissage. Je ne sais pas si tu as vraiment hâte de me revoir, je me méfie des mots.
En repartant de chez toi, il pleut. Il est tard. Je lirai pourtant un peu ce livre pioché dans l’étagère. C’est ce livre que j’avais offert à JLM ; il y a la pastille qui cache le prix.