Au début, les premières secondes, je touche
toujours mon cœur pour vérifier qu’il bat.
Car j’ai le sentiment de mourir.
J’ajuste mon masque, me tenant à la proue.
Je fais des battements de jambes.
Le vent souffle fort.
Il parle.
Je l’écoute parler.
Au loin, les champs de pastèques,
le toit de la vieille école et des fleurs de safran.
L’eau est froide malgré le soleil,
et le courant chaque jour plus fort.
Bientôt, tout cela disparaîtra.
Crois-tu que les caméras du monde entier se déplaceront pour en rendre compte ?
Crois-tu que ce sera suffisamment télégénique pour eux, Sarah ?
Qu’importe.
::: Antoine Wauters ; Mahmoud ou la montée des eaux*
Au matin tu m’envoies un texte, en souvenir de lui. Il y a, dans ces quelques phrases, ce qu’est l’amitié, c’est-à-dire de quoi ça nait, l’amitié, ce mot qui vous collait peu aux habitudes quand nous étions enfants, alors que pour moi il est de tant de chemins empruntés.
Tu m’envoies le texte pour savoir s’il y a une faute ou autre chose qui me choquerait, mais c’est au-delà de cela, au-delà du trait d’union qui manque dans son prénom. Tu m’envoies ce qui nous unit, une émotion, nos partages, tes questions, nos rires, tes larmes ou celles que je retiens, mes silences trop souvent quand les jours sont ensemble et que j’ai quelque part épuisé tous mes mots.
Je pleure en lisant ton texte, simple et beau. Il y a dans tes phrases le manque, douloureux. Il y a ce signe que les absences vous creusent et que les larmes ne sont que la partie visible de tout ce qu’on ne dit pas.