Il y a des visages graves, beaucoup, comment pourrait-il en être autrement, des dizaines, beaucoup d’hommes je crois, d’anciens collègues de J peut-être et puis tout de même quelques sourires de retrouvailles ici ou là, malgré tout. Il y a des vêtements sombres surtout. Je porte des baskets hautes blanches, un jean, certes foncé, mais un jean tout de même, style décontracté contrebalancé par un gilet noir par-dessus un pull aux couleurs d’automne, un foulard ; je n’avais pas prévu d’être là en préparant ma valise.
Mes souvenirs de J se sont évaporés, sauf sa bonne humeur. Il était de ces cousins qui croisent nos vies de temps en temps – son fils que ma mère a gardé, le foot il me semble. La dernière que fois que je l’avais vu, c’était devant chez lui, je crois, il y a quoi, quinze ans peut-être.
Nous sommes debout, au milieu de ce qu’autrefois on appelait la partie moderne du cimetière. J’étais alors enfant, adolescent. Les morts sont nombreux aujourd’hui à y reposer. Onze mois après les obsèques de mon père, j’observe tout cela avec un autre regard, je peux même m’étonner d’être là, debout, il fait un peu froid, on craint un peu la pluie. Il y a des discours et des chansons bien sûr. C’est quoi, les chansons, là, à ce moment, ça dit quoi d’un homme que je ne connaissais presque pas, juste à la surface des souvenirs d’enfance ? Ça dit quoi de sa mort, une chanson forcément triste, un poème ; ça dit quoi de sa vie, une vieille chanson qui restera dans un coin de la tête tout le reste de la journée ?