Ta voix, de nouveau. Ce matin, lorsque j’ai décroché, surpris mais heureux de ton appel, la mienne était basse. Tu es au travail ?, m’as-tu demandé.
Ce soir, tu n’es pas chez toi. Parce que j’ai un copain, Arnaud, dis-tu. Il s’appelle Paul. Son prénom avait été évoqué en juillet, c’était alors incertain, tu riais de ta vie amoureuse. Tu riais, je crois, comme on rit de se contenter, voire de s’émerveiller, des papillons qui passent. Souvent tu t’émerveilles, puisque tu es ici dans ce pays devenu le tien. Tu deviendras bientôt français, l’an prochain, tu veux. Tu l’es déjà tellement.
Je te dis que justement, hier, j’ai parlé de toi. Vous avez cette même couleur de peau, elle vient du même sous-continent. La sienne s’est mélangée à d’autres origines mais c’est invisible. Il a aussi tes yeux noirs. Il n’a pas ta joie de vivre.
La discussion ne s’éternise pas, juste une vingtaine de minutes. On attend de se revoir bientôt, à Paris, pour les fêtes ; peut-être logerai-je chez N. Je ne sais plus si tu l’as déjà rencontré.
– Tu l’as rencontré ?
– Non, mais j’en ai entendu parlé, c’était mon concurrent.
Nous en rions un peu.
Bien sûr, comme souvent, tu me remercies pour ce que j’ai fait, avant de rappeler nos mois de silences entre regret et fatalité. Et puis tu me dis que tu m’aimes. Je t’aime Arnaud, dis-tu. Je te dis que moi aussi je t’aime, d’une voix moins affirmée, et j’ajoute un petit nom. Mon chat, peut-être.