Nous sommes à la caisse. Il dit être SDF depuis 10 ans ; il en a 27. Je lui demande s’il arrive à travailler parfois. Oui : un peu de service, de restauration… Je l’interromps, pensant le rassurer : ce sera facile de trouver quelque chose ici… Mais il me dit que faire un boulot de fou dans un resto pour 1400 euros par mois, non merci. Je n’ai pas encore payé. Je reste une peu de marbre. Sous son bras, un énorme roman anglais ; la quatrième de couverture contient tous les ingrédients pour l’embarquer ailleurs.
Il ouvre son sac pour y ranger ce que je viens de lui acheter : 2,50 euros de poulet / pommes de terre chauds dans une boîte plastique, un paquet de chips, un autre de gâteau. Un gros ours en peluche blanc apparait, prenant la moitié de la place. Tu vois, je me promène avec lui, il dit. Je me demande où est sa vie. Je me demande surtout qui il est vraiment.
Et puis je m’éloigne. Des cordes s’abattent sur moi. Et sur lui encore plus.