C’est J qui m’apprend la mort de Renée Gailhoustet. Ici je dis un prénom, un nom. Ça ne peut pas être une initiale, ce n’est pas R, pas juste R. En écrivant ces mots, il y a déjà l’image ajoutée en-dessous, ce couloir de l’université : j’étais allé photographier un groupe d’étudiants internationaux, c’était leur dernier examen.
C’est J qui m’apprend la mort de Renée Gailhoustet. Je commente précipitamment, envoie quelques mots, l’émotion vient après, c’est l’heure du déjeuner, on a l’habitude de me voir manger seul.
Il me faut alors savoir rendre hommage, ici. Simplement, d’abord, se rappeler des moments partagés, nombreux, comme ce déjeuner de Noël où nos rires avaient surgi tandis qu’on échangeaient les cadeaux, ces tablées chez elle ou chez Andrea, cette famille qui est encore famille, la mienne, par extension, par évidence ou par amour des gens. Se rappeler de ce moment où j’étais là, seul avec elle, et elle déjà ailleurs, comme on dit, presque sans moi, dix minutes difficiles mais quelque part essentielles à lui dire plusieurs fois “Je suis là“, avant que je reste, chez elle donc, été 2019, durant trois semaines, parmi les trois plus belles semaines jamais passées parce que chez elle, au Liégat, c’était magique, généreux, lumineux, ouvert, il y avait la terrasse, les arbres et les oiseaux, on pouvait dormir dans un lit ou dans un autre selon qu’il faisait chaud et les motifs des draps étaient jolis. Dans l’étagère de la chambre du bas j’avais attrapé Don Quichotte et j’en avais lu quelques pages. Et puis j’aimais A éperdument et parfois il était avec moi.
Rendre hommage plus que simplement, parce qu’il y avait ça, le verbe “habiter”, immense, comme chez F, avec cette vue et ce volume qui vous englobe.
Mais Ivry c’était aussi, bien sûr, les années avec Ch et cet espace qui était chez nous, mon adresse quelques années, comment on fait pour le dire en trois phrases ?
Comment on fait pour se taire ?
Rappeler que chez A, aussi, j’ai passé trois semaines, été 2021, autre adresse, autre lieu, à deux pas, Ivry toujours, du Renaudie cette fois comme chez moi autrefois, même magie, même générosité, même notion de l’espace et du mouvement, c’est un peu ça, habiter pleinement, c’est pouvoir bouger. Presque je m’y perdais, chez A, grâce aux recoins. Cette fois je n’aimais personne. Sauf A encore, me direz-vous.