Je n’ai aucun souvenir de ce voyage. Même ce moment de l’annonce, je le reconstitue. Je dis mes parents un soir, c’était peut-être ma mère un matin. Il me reste à peine de très, très vagues impressions – une sorte de marché dans une rue d’Istanbul. Légumes dans des caisses en plastique, édifice en contre-plongée, la rue est en pente et c’est tout, et je ne veux pas décrire davantage parce que déjà je déforme.
::: Bruno Pellegrino ; Tortues
Je dis à J que je n’écris plus ici. Je ne dis pas tout à fait pourquoi, peut-être parce que je n’arrive pas plus à dire qu’à écrire, dans une forme d’épuisement né des journées, à peu près de 9h30 à 18h, du lundi au mercredi, où je donne beaucoup, du coq à l’âne via d’autres bestioles, plutôt des souris, parfois des têtards, et puis il y a les singes. Hier un ambassadeur, même si j’ai fait peu présence.
Et puis, je crois que je laisse le silence s’installer ici comme il s’installe avec T. Je crois que ce qu’il y a à dire n’a pas la joliesse que j’attends. L’état amoureux est, ici, indicible : absent. Sans doute le reste n’a pas beaucoup d’importance, même si jusqu’alors, ou pendant longtemps, c’est le peu – le reste – dont j’ai témoigné. Peut-être que le peu a pris trop de place. Peut-être que faute d’un Autre, faute d’un état amoureux, je me contente des images, des films et des livres et laisse planer l’indicible de ceux qui passent.
Et puis tout simplement, c’est bien de souffler un peu.
Alors silence.