Un mois déjà. Un mois que ma sœur Sandra est morte et j’écris ici la violence de l’adjectif. Nous nous voyions peu, nous nous appelions de temps en temps, c’était clairsemé, ainsi les mois passaient. Nous étions là sans l’être, maman me donnait des nouvelles. Sans doute je ne savais pas quoi faire de sa maladie, quoi en dire, égoïstement, sans armes, sans mots. Sans doute j’avais ma vie, celle où je remplis les vides. Sans doute je pensais à moi, je cherchais à me sauver du monde dans lequel j’avançais seul, c’est à dire dans une forme de solitude comblée par des présences instables, des prénoms, des attentes. L’absence de ma sœur prend une forme, elle rejoint celle de mon père, je ne sais pas la nommer, c’est comme un précipice qu’on ne comprend pas bien. Sur l’un des meubles du salon, il y a dorénavant une photo de famille en noir et blanc.