Cher toi,
Il est bien tard, c’est presque lundi, j’ai pourtant envie de finir le livre de Maurice Pons ; il m’en reste trente pages. Depuis quelques jours, je roule avec lui dans la nuit, je suis un autre passager que cet homme étrange. Tu sais, Maurice Pons, je l’ai croisé autrefois, au Moulin d’Andé. Nous y sommes allés, quoi ?, 3 ou 4 fois peut-être, avec Christian. Nous mangions parfois à la même table, il était toujours assis au bout je crois. Il devait se demander qui j’étais vraiment, à part le compagnon de Christian. J’étais en retrait, discret, muet, écrasé par les autres venu·e·s là pour écrire, composer, écrasé par lui, sa présence et celle de Suzanne, malgré sa bienveillance, ses bras grands ouverts, son sourire. Il m’a fallu googler pour retrouver son prénom : Suzanne ! Ma mémoire devient de plus en plus vacillante, mais oublier un prénom ne doit pas m’inquiéter ! C’était magique, le Moulin, mais je n’étais pas vraiment très à l’aise, là-bas. Il y a dans mes carnets les souvenirs, il faudrait que j’y creuse. J’essayais de décrire les lieux, j’essayais de croiser les fantômes. Je butais toujours sur l’écriture. Je me souviens que je n’avais pas grand chose à dire, ou bien je ne savais pas comme le dire. Ah tiens tout de même, il y a ceci, en haut de cette page : https://arnaud-rodriguez.net/journal/2012/10/
Ah les livres ! Tous ceux qui étaient à terre, dans mon salon, ont trouvé enfin leur place ! Sans doute que la présence d’Antonios, depuis vendredi, m’y a poussé ; ses valises prennent pas mal de place ! Cela m’a pris quoi… deux ou trois heures ? Tout en haut, il y a toujours une rangée de mes livres, je les ai classés par couleur. Il faudra peut-être que je réserve les étagères de la chambre à certains de mes auteurs préférés car je suis peiné de voir quelques Duras ou Perec tout là haut. J’ai déjà redescendu W. Mais c’est inextricable.
Il est tard et je me dis que ce journal pourrait prendre un virage épistolaire, te parler, parler à d’autres, peut-être même à des inconnu·e·s, à des fantômes, à des gens qui n’existe pas. Ce ne serait plus vraiment un journal. Mais ce serait une autre liberté, une autre écriture, plus libre, moins engoncée sans doute. Mais, comme à d’autres, je pourrais dire que tu me manques.