Cher toi,
Antonios est parti tout à l’heure, encombré, mais pas pas la peur. Deux énormes valises.
Une nouvelle vie commence pour lui. Une autre vie, dirais-je, une vie de Français. Tu sais, il a été une jolie présence durant ces quelques jours, c’était bien. Ce genre de présence de passage – je ne parle pas de la tienne, toi c’est autre chose – est une respiration. Il est à présent rare pour moi que la solitude soit un fardeau. Je l’ai apprivoisée, la solitude. Ou bien m’a-t-elle dompté ? Combien j’ai par moment détesté cela, rentrer chez moi, dans cet appartement, et n’avoir personne à embrasser. J’ai le souvenir précis de moi-même, rentrant chez moi, m’asseyant sur le canapé, début 2020, et sentir ce truc dont on fait des chansons tristes : être seul. Et puis il y a eu le confinement, sans plus personne, sans peau, sans rien, voire sans nous-mêmes. Nous ne pouvions plus vraiment être nous-mêmes.
Bref, oui c’était bien qu’il soit là, Antonios, surtout après tous ces mois sans l’avoir vu. Peut-être grâce à tous ces mois sans l’avoir vu. C’est amusant comme, dans certains côtés, il a une attitude similaire à Aly… D’ailleurs, il m’a laissé une valise, comme Aly. Je ne sais pas où je vais la ranger. Je ne sais pas non plus quand il va la récupérer. Ou s’il va la récupérer. Ça fait combien d’année que j’ai ça dans le placard ?
Avec Aly aussi, il y avait eu des mois l’un sans l’autre, jusqu’à ce qu’il ait eu besoin de moi. Je savais, avec l’un et l’autre, qu’on se retrouverait. Ça tombait bien, qu’Antonios ait besoin de moi, je n’ai pas hésité, j’étais là, j’étais prêt, j’ai répondu tout de suite “Oui bien sûr tu peux rester chez moi”, comme j’aurais pu dire “Oui je suis là”. C’était le bon moment avant que, peut-être, ça nous échappe trop.