Cher toi,
Il reste trois radis dans une coupelle sur la table. Ça fait plusieurs jours qu’ils sont là. Je ne sais pas trop pourquoi je ne les jette pas. C’est étrange. Enfin, tu vas me dire que tu sais pourquoi je ne les jette pas.
Ce soir, en allumant mon ordinateur, j’ai eu cette petite vague de joie, puisque mon fond d’écran est ton visage / ton visage est mon fond d’écran. C’est une des photos prises à Bayonne, quand tu lisais, dans la vitrine peu éclairée de la librairie de la rue en pente — que j’aime le nom de cette boutique ! —, la note de lecture destructrice et hilarante à propos du livre de Marlène Schiappa.
Alors je me suis dit qu’il fallait que je fasse pareil avec mon téléphone. Qu’à chaque fois que je l’allume, je voie tes yeux, un sourire.
Et puis j’ai posté cette photo que tu as vue sur Instagram : Benjamin et Olivier. C’est une photographie qui n’aurait pas dû exister. Je n’aurais pas dû être là, ce 14 janvier. Je n’aurais pas dû être dans cette absence, cette fuite, ce refus. J’aurais dû être avec elles, avec nous – elles et moi -, avec ce que nous étions, ce que nous étions encore. C’est un peu flou, c’est loin, déjà loin. Ce qui est sûr, c’est que j’avais choisi les corps qui dansent au lieu de mourir.