Ton corps est là, sur l’écran, sur les images, en elles. Qu’en faire ? Je suis à ce moment de moi où il m’est impossible de les regarder sans être troublé par l’éloignement, la disparition. L’expression “moment de moi” vient comme ça, enfin non pas juste comme ça, elle vient parce que depuis deux semaines je les ignorais, ces images, là, moi qui t’ai tant regardé, tant montré, et tout le monde encore peut te voir, et moi encore et encore je peux te voir, te regarder mais je n’y arrive pas. Et puis, qu’est-ce que tu dirais ? C’était plus simple de faire des mots, des phrases de nous, ça ne reste pas de la même manière, ça n’a pas l’odeur des yeux fermés, le toucher, le même intime, ça n’a pas l’odeur du manque ni le souvenir caressé de tes paysages. Ça ne désire pas, les mots, pas les miens en tout cas, mes textes ne sont pas à cet endroit, ils n’étaient pas à cet endroit de nous. Ce soir ces images sont revenues parce que j’ai repris le chemin de tout ça, ce travail photo/graphique que je creuse et qui intéresse Kévin et dont il veut parler, mais ce sont sur d’autres corps que le tien que j’ai travaillé, des corps d’autrefois, avant nous, loin, loin et bruts, loin de ce que nous étions surtout, des corps rien, rien que des corps.
Au travail bien sûr on me demande comment c’était, les vacances, parfois je mens, je dis que je me suis reposé parce que depuis mercredi, c’était reposant, il y avait les petits losanges, ça aide mais je ne sais même plus si je sais pleurer. Presque je vis à distance cet impossible silence que nous sommes devenus.