Vendredi 11 juillet 2025

Arles. « Tu es beaucoup trop absent » sont les mots qui me viennent à l’esprit tandis que j’attends la salade du jour, légère mais comme son prix. C’est un Tu qui est peut-être un Vous, multiple. C’est peut-être un début de phrase — « Tu es beaucoup trop absent pour…« , « Tu es beaucoup trop absent mais… » C’est un absent masculin qui peut être la marque du neutre, ce pourrait être un féminin, peut-être, oui aussi. Cela cache ou dit éventuellement des émotions diverses : peut-être le manque, léger ou profond, peut-être l’indifférence, peut-être un fatalisme, épaules haussées, moue légère. Tu pourrais/pourrait être une ville, un objet. Ce pourrait être un titre d’exposition, un titre de livre.

Et puis elles s’approchent, ma salade est presque finie, l’une d’elles hésitent, je lui dis que je vais partir, qu’elle peut s’asseoir le temps que je finisse mon Perrier. Je lui demande si elles sont là pour le festival. Oui. On parle. Comme ce matin tandis que je prenais avec un café, deux anglais à qui j’avais proposé de partager ma table, à l’ombre. Comme dans une expo, plus tôt encore, en montrant à un autre couple la photo volée que j’avais faite d’eux : elle avait mis son bras sur son épaule. Elle s’appelle Odile, j’ai son email, je lui enverrai. J’ai envie de parler aux inconnus — les connus ont été parfois source de déconvenues.

Je suis dans la saturation d’Arles, je ne suis pas allé voir Armstrong à Luma, j’ai à peine survolé l’expo sur la photographie moderniste brésilienne qui, en d’autres temps, d’autres lieux, m’aurait attrapé.

C’est le moment du bilan, les gens disent « Tu as vu quoi ?  » Tu as aimé quoi ? », et je réponds : l’installation d’Agnès Geoffrey, Todd Hino, Camille Lévêque,  Claudia Andujar, Diana Markosian, Jia Yu, Raphaël Peria, les films de Brandon Gercara, l’énergie zinzin d’Augustin Rebetez, oh la la j’en oublie, les photos anonymes bien sûr. Moi aussi je demande ça.

Les inconnus sont aussi là le soir, moment festif, after-party privée, délices japonais, j’ose deux fonds de saké, on fait connaissance, on donne nos cartes de visite, on regarde les comptes Instagram, ils ne sont plus inconnus, le lendemain Isabelle m’écrit : « Très beau travail ».