Mardi 4 novembre 2025

Île de Sein, avril 2024
D’ABORD LE VENT.
Un vent tyrannique, incessant, portant une foule dense d’oiseaux venus déposer leurs œufs, c’est la saison. Certains viennent de loin, d’autres sont chez eux. Leurs vols tissent une trame flottante dans le ciel, leurs chants, qui parfois sont des cris, se mêlent à la rumeur océane. Je suis fascinée par les tourne-pierres, dont le corps fragile parvient à déplacer les lourds galets blancs pour picorer ce qui se cache dessous.
::: Michèle Lesbre ; Naufrage(s)

C’est devenu réel. Il y a un billet aller-retour acheté. Je cherche ce que je peux dire ici de ce geste, sans dire. Je cherche à dire ce que cela veut dire de nous sans le dire. Alors je feuillette mon carnet à spirales, j’y retrouve ce moment avec toi que j’avais oublié. C’était un samedi matin, celui où tu aurais pu m’accompagner. Il y avait un air de piano, j’avais mis du temps à retrouver quelle était la chanson. C’était Mi sono enamorato di te, de Luigi Tenco, 1962, dont j’ai d’abord connu et aimé la version d’Ornella Vanoni, 1969. Je t’avais dit les paroles : “Je suis tombé amoureux de toi parce que je n’avais rien à faire.” 

C’est devenu réel, mais avant, loin du soleil du Mexique, il y avait Michèle Lesbre venue à la Machine à Lire pour parler de son dernier livre. Oui loin du Mexique il y a l’île de Sein, un paysage sans arbre dont elle a fait un livre. C’était beau de simplicité, comment elle racontait, beau comme l’audace de dire qu’elle n’y retournerait pas ; elle n’aimerait pas voir que ce n’est pas toujours comme elle raconte, pas toujours le vent, pas toujours un chien. Alors j’ai acheté le livre, j’ai pourtant hésité — un livre, encore un ! — mais comment résister ?