L’horizon bleu sera d’abord sans toi. Mais je ne l’abandonne pas. J’hésite d’abord quand tu m’en parles, légèrement inquiet, déçu et surtout détestant ce moment frémissant où tout n’est pas comme prévu. La petite Rita ronronne sur ton épaule, c’est une nouvelle présence.
Pourtant l’autre soir j’en riais, de ça, de m’imaginer trois jours seul, je blaguais de cet enfer qui était tout sauf l’enfer, le goût de paradis, comme un slogan.
C’est une aventure, et j’aime ça, dans toute la contradiction que cela évoque puisque partir, non, je n’en rêvais plus, je n’en voulais plus. C’est inattendu, c’est aussi fou qu’est le mot “loin” quand il est autant ailleurs — une autre langue, un autre soleil.
Sans toi, c’est une aventure encore plus grande, et je regarderai ces gens qui seront là aussi, dans leur folie à eux d’être là, dans leur habitude peut-être. Je serai sans doute un peu triste d’être seul, mais la tristesse j’en fais des phrases et les touristes aussi peut-être je les écrirai, je les décrirai, leurs petits maillots et leurs petits cocktails au bord de l’eau, comme dans une chanson de Michel Jonasz. Peut-être, j’écrirai l’attente et les mots tatoués sur tes doigts. Peut-être l’absence, la lumière, les ombres, l’incertitude, la sérénité, la folie, la patience, le manque ou tout ce qui ne veut pas disparaître. Sera-ce le dernier chapitre du livre qui attend ? Et bien sûr il y aura des photos, celles qui retiennent les draps blancs d’une chambre d’hôtel et un nuage rare.
La tristesse, celle d’avant-hier, elle a disparu. C’était un effet secondaire, non parce que c’était dimanche et qu’il pleuvait et pleuvait encore, mais parce que c’était le troisième jour avec M. Le traitement sera une initiale, je l’appelle M, comme un nouveau compagnon, comme un ami peut-être.