Je m’appelle Justin Marius Eugène PAUL, mon nom ne figure sur aucune des petites croix grises alignées dans un cimetière d’Argonne. Je suis pourtant porté disparu au combat le 17 mars 1915, “mort pour la France” pas très loin d’ici, à Beauséjour, dans la Marne, à la côte 196. J’ai disparu dans la boue. Comme mes camarades, moi qui ne connaissais par la campagne de Lincou, dans l’Aveyron, près de Réquista où je suis né le 30 janvier 1887. Jeune père d’un petit Justin, un autre Justin, je devenu argile, glaise hanneton ; je suis devenu bolet à pied violet, châtaignier, hêtre tortillard. Je ne connaissais pas le Nord, e n’ai pas de croix en ciment qui, même laide parmi les cailloux asséchés de soleil, éternellement à côté de soldats que je ne connais pas, sans le moindre arbuste, rappelle que je suis, moi aussi, venu mourir ici?
Colette Mazabrad ; Monologues de la boue
La pluie qui tombe ce jeudi vers 15h est la parfaite toile de fond de ma lecture à l’heure de la sieste, lecture dérangée par l’envie de retranscrire ici ces quelques lignes. De cette pluie de janvier on ne tirera que l’envie d’aller au bain et celle de regarder un autre Terayama dont les élucubrations, cette fois, nous assomment. Tu veux encore de la terrine ?