Mercredi 17 avril 2019

– On ira parquer ! Il va faire beau, j’ai envie d’aller parquer !
– Parquer ?
– Oui, heu, passer du temps dans les parcs.

C’est au printemps 1985 que j’ai porté ma première paire de lunettes, suite à la visite médicale du 1er mars de cette même année durant laquelle on avait noté, sur le carnet de santé, 4 dents cariées traitées, un poids de 27 kg, une taille de 136 cm, des RAS pour tout un tas de points, une auscultation du cœur normale, zéro poils pubiens ou axiliaires, 7/10 à l’œil gauche et 6/10 à l’œil droit et une aptitude à l’éducation physique groupe II.
Je pouvais enfin arrêter, avec cette correction, ce qui était ma principale activité en classe depuis quelques semaines : copier sur ma voisine, qui s’appelait peut-être Marie-Ange. Si j’avais, alors, tenu un journal, je me serais peut-être demandé si, cet accessoire désormais vissé sur mon nez, j’allais voir la vie autrement. Bien que relativisant, face aux grands malheurs du monde dont j’ignorais à peu près tout, le minuscule malheur qui venait de s’accrocher à mes oreilles, j’aurais pu narrer combien l’enfant puis l’adolescent à lunettes se retrouve dans un rôle : le garçon à lunettes. Ou, lors des sorties à la piscine pour ne prendre qu’un exemple : le garçon qui n’y voit rien sans ses lunettes. Une partie de la vie du myope est floue, cela ne vous aura pas échappé, même si vous n’avez peut-être pas conscience de l’impact sur certains détails du quotidien, tels que la propreté de certains recoins de la douche.

Nous sommes le 17 avril 2019, je ne sais pas ce qu’est devenue Marie-Ange mais il me faut prendre une nouvelle habitude : pencher la tête pour voir mes pieds nets.