Mardi 17 mars 2020

Alors, quelques minutes, je descends. Je ne croise personne, il n’y a personne à croiser. Je ne croise personne car je ne marche pas, c’est-à-dire à peine, les 100 pas, devant la porte. Ça me suffit. Ma rue, l’une des plus animées de Bordeaux, est vide, cela suffit pour être ailleurs. Il est 18h. Je prends une photographie panoramique. Je la diffuse avec ce besoin de montrer quelque chose, besoin que moi-même je ne comprends pas toujours. Parfois après j’efface.
Il y a parfois quelqu’un pour vous faire une remarque sur le réseau social bleu foncé, hier déjà, c’est une phrase ou un lien. Parce que j’ai évité une explication, un verbe, parce que j’ellipse, bam, on vous dit que, on vous renvoie vers. Parfois alors j’efface.

Les 100 pas, donc, quelques minutes, mais je vais devoir apprivoiser le mur qui me fait face depuis l’appartement. C’est un sentiment étrange. Même si je sais que je vais pouvoir m’en échapper, pour faire le tour du pâté de maison, pour faire des courses quand le frigo sera vide, il y aura toujours le mur. Et au-dessus, le ciel. Demain il sera bleu, dit-on. Demain il fera chaud.

Evidemment je me dis que c’est le moment d’écrire, quelque chose de profond, sur soi, moi, là, seul face à moi et au mur. Peut-être est-ce le moment d’oublier les autres, mais qui suis-je sans eux, maintenant qu’ici ils ont trouvé leur place ? Maintenant qu’il y a leurs yeux, leurs mots, le souvenir de leur peau, leur absence, et tous ces Atlantiques.