Je vais là où il se passe encore un petit quelque chose, puisque depuis 12 jours je n’avais vu de la ville que son minimum, que les rues et les portes entrouvertes. Je prends la mesure, ainsi, à la caisse plastifiée de la supérette, qu’il ne s’y passe pas un petit quelque chose, oh non, mais quelque chose de bien plus grand que nous. Je ne sais pas si la fin du monde ressemble à une ville déserte, mais une ville déserte ressemble à la fin du monde. Si ce n’était pas dramatique, si ce n’était pas si fou, on en ferait de la science-fiction, j’en ferais de l’auto-fiction. Certains en font des histoires, leur histoire. Moi je crois que ce n’est pas la mienne, je veux dire par là que je ne vois pas comment je peux dire tout ça. J’ai beau aimé le vide et y creuser, je n’ai pas envie de plonger dans celui-là. J’ai beau regarder le nombre de morts avec une effroyable fatalité, je n’ai pas envie de plonger mon récit dans ces bras-là. J’ai beau être dans la colère née d’hésitations et de mensonges, je n’ai pas une écriture de combat. J’ai beau penser à ceux qui s’épuisent, je n’ai pas le talent pour plonger avec eux.
Alors que dire ? Peut-être encore, un peu, parler d’amour. Juste écrire le mot, là, pour y penser encore.