Mercredi 8 avril 2020

Tu me dis qu’hier soir ton oreiller a remplacé un corps absent, ainsi, en t’endormant. Or encore on nous assène / prévoit / envisage / fait craindre / va falloir tenir des semaines à venir sans autres. Peut-être. Mais peut-être c’est devenu trop. Oh parfois l’esprit s’accroche, à un rayon de soleil, aux visages-pixels, au rythme d’un dimanche caressé par des pages, à un oiseau, au travail.
Que ce soit toi contre ton oreiller, ou moi, ou les autres, on y revient, sans cesse on y revient : la solitude. Il n’y a plus personne. J’écrivais l’autre jour à F qu’il n’y avait même plus l’idée que quelqu’un nous attendait quelque part. J’essaye de contrecarrer cela, cette absence d’idée, cette absence d’histoire, cette absence de demain ou d’après-demain, cette absence de demander “Ce soir ? ”, cette absence de se sourire, de s’approcher, de se regarder, cette absence d’hésitation quand on boit le premier verre et que je te dis que je t’invite, cette absence de te voir franchir la porte, cette absence de peau, de respiration, d’odeur, de regard, cette absence d’absence puisque l’absence de l’autre, en temps normal, n’est que le signe de sa présence potentielle.
J’essaye donc. En plusieurs chemins dessinés. Au bout de l’un d’eux, il y a toi. Je ne leur dis pas ton nom.