Jeudi 23 avril 2020

Le train, ça m’excite. À chaque fois, je prévois des trucs pour m’occuper, par exemple un gros livre, mais arrivé à Granville je m’aperçois que je n’ai pas lu plus de dix, vingt pages. À cause du paysage qui m’aura absorbé. Le défilement des bois, des champs, des zones incultes derrière les gares, qui disparaissent à toute vitesse. Tout ça me fascine, je ne vois pas le temps passer. Et puis, parfois, je ne sais pas pourquoi : la contemplation de ce mouvement, depuis ma position immobile, m’engourdit. Le balancement du wagon me berce. Et je m’endors. Les jours où je suis tellement excité par mon voyage, j’ai peine à imaginer que, d’autres jours, je puisse dormir. J’ai du mal à concevoir que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets.
::: Antonin Crenn ; La lande d’Airou