Traine encore, là, la lettre reçue il y a quelques jours, voire plus longtemps : elle date du 24 juin, et le cachet de la poste précise le 29, le temps file. Sur l’enveloppe, l’écriture hésitante me rappelle celle de ma grand-mère Lucette. J’y aime la forme du M de ce Monsieur écrit en toutes lettres, ainsi moi-même souvent je le trace.
L’expéditrice, Annick D, habite au 28 rue Neuve. C’est tout près. Le courrier n’a investi que le recto d’un papier de format A5 plié en deux, mais pas en deux moitiés égales : la pliure est à environ deux tiers de la feuille, écornant le départ du B de Bordeaux. Au milieu de ce qu’Annick a pris le temps d’écrire, une phrase est curieusement écrite en rouge. Elle répond partiellement à la question – “Vous êtes-vous demandés si les morts savent ce que font les vivants ?” – qui débute le deuxième paragraphe.
Rouge, la réponse se détache : “Les vivants savent qu’ils mourront, mais les morts ne savent rien.” Annick avait probablement anticipé une certaine lecture diagonale de la missive ; curieusement gigantesques aussi sont les alinéas. Curieusement la phrase en rouge ne m’apprend rien.
Vient ensuite une invitation à consulter le site web – deux lettres anglophones point org – de ce groupe prosélyte international, deux lettres accolées l’une à l’autre comme leurs sbires attendant ici ou là pour prêcher, même si je ne peux m’empêcher de penser au petit groupe de femmes venues un jour sonner à Nishinoyama House, vêtues de robes et de chapeaux évoquant plus La Petite Maison dans la prairie qu’autre chose. Annick a même laissé son 06. Mme Ingalls n’aurait pas eu ce toupet.