Jeudi 5 novembre 2020

Quand nous regardions des séries, Ch disait souvent “On va retrouver nos amis ?” pour m’inviter à aller les visionner. Il y avait des rituels, comme cela, des petites phrases, comme celle-ci. Peut-être qu’elle était à l’image du fonctionnement de notre couple : c’était lui qui, souvent, proposait ou décidait.
Hier, en pensant au livre de Mauvignier qui me suit depuis presque trois semaines, avant d’aller me coucher pour en lire un chapitre ou deux, j’ai dit “Je vais retrouver mes amis“, ça m’a sauté au visage, cette phrase, et aujourd’hui encore j’ai dit ça : “Je vais retrouver mes amis.” Ainsi, il n’y a pas que ces objets et ces images qui me regardent ou rodent comme des spectres, il n’y a pas que tout ce pays, ce pays entier, ce Japon, qui me colle et te ramène : il y a cette petite phrase. Mais de mes anciennes amours, c’est F qui a laissé, dans mes paroles, le plus de traces. Je l’imite, souvent, lorsque je parle seul ; il ne le sait pas.

Mais revenons à aujourd’hui, à ce livre, 635 pages, il m’a happé, le soir il m’étreint. Au début, je le lisais à haute voix : l’écriture fournie, étirée, belle et complexe, avait besoin de l’oralité pour se donner entièrement et ne pas voir mon esprit s’échapper le long de ses phrases étendues comme des plages. Mais à présent je me tais : mes yeux glissent, subjugués, accrochés au récit et au style, ce style, quel style !

Mais avant de lire il y avait eu ta voix, cette habitude entretenue, qui nous plonge dans je ne sais quoi, et en te parlant j’imagine l’horizon par ta fenêtre et la couleur du chat couché sur tes genoux – ton chat, tu dis ton chat, il t’a apprivoisé, comme ta nouvelle maison.